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L’Organisation des Nations Unies verse plus de 13 millions de dollars par année au Burundi en retour de la fourniture d’un effectif de 767 casques bleus. Dans ce pays d’Afrique de l’Est, ce montant représente un subside essentiel au profit d’un gouvernement qui y fait régner le viol, la torture et le meurtre.

19 mars 2019 – Depuis 2015, le président du Burundi, Pierre Nkurunziza, a donné ordre à ses forces de défense d’attaquer toute personne présumée s’opposer à son régime – une offensive qui a engendré son lot de condamnations internationales.

Durant cette même période, l’Organisation des Nations Unies a versé au régime de M. Nkurunziza d’importantes sommes d’argent pour services rendus par ces mêmes forces de défense burundaises, dont les membres enfilent des casques bleus et patrouillent dans des zones de crise en tant que troupes de maintien de la paix des Nations Unies.

Il y a actuellement 767 soldats burundais qui servent comme casques bleus pour l’Organisation des Nations Unies. Sur ces 767 soldats de la paix, 751 sont déployés au sein de la MINUSCA, la mission de l’ONU en République centrafricaine, une mission qui a été secouée par un grand nombre de scandales d’exploitations et d’atteintes sexuelles.

L’ONU continue à utiliser les troupes de M. Nkurunziza alors que l’Enquête indépendante des Nations Unies sur le Burundi (EINUB) a clairement affirmé que les soldats burundais ne devraient pas être employés comme forces de maintien de la paix.

Dans un rapport de septembre 2016, l’EINUB déclare : « Les Nations Unies et l’Union africaine devraient progressivement mettre fin à l’utilisation des troupes burundaises dans les opérations de maintien de la paix tant que la crise perdure. »

Des casques bleus burundais servant dans le cadre d’opérations de maintien de la paix des Nations Unies ont été accusés d’atteintes sexuelles envers ceux et celles qu’ils se sont engagés à protéger. Depuis 2015, selon les données du Groupe de déontologie et de discipline de l’ONU, un total de 43 soldats burundais ont été accusés de crimes tels que des viols d’enfants, des relations sexuelles avec un mineur, des agressions sexuelles sur adultes ou des viols d’adultes. Aucune de ces 43 personnes n’a été sanctionnée. Les victimes présumées comptent 50 enfants, 25 adultes et 5 personnes d’âge indéterminé.

En date de juillet 2018, l’ONU paye la somme 1 428 $ US par mois pour chaque soldat mis à disposition par un pays contributeur de troupes de maintien de la paix; ce montant a été fixé par l’Assemblée générale des Nations Unies. L’ONU verse ce montant non pas au soldat, mais au pays qui fournit les troupes. 

L’ONU envoie donc chaque mois 1 095 276 $ US au Burundi pour ses 767 casques bleus, soit un total de 13 143 312 $ US par année.

Ce montant constitue une contribution significative aux caisses de cet état de l’Afrique de l’Est dont le budget militaire pour 2017 était de 56.3 millions de $ US

António Guterres, le Secrétaire général de l’ONU, a affirmé à maintes reprises que l’ONU vérifie méticuleusement les effectifs militaires pour en éliminer les individus qui ont un dossier criminel entaché d’infractions sexuelles. Mais qu’advient-il lorsque c’est toute une armée qui a une histoire criminelle marquée d’infractions sexuelles et de mises en œuvre d’une politique du viol ?

Trois rapports distincts de l’ONU, publiés en 2016, 2017 et 2018, détaillent les actes de violence sexuelle révoltants commis au Burundi par les policiers, les militaires et les membres des milices. Ceux-ci laissaient derrière eux des victimes souffrant de traumatismes sévères et persistants tant sur le plan physique que sur le plan psychologique. Les femmes contractaient le VIH, tombaient enceintes ou subissaient des fausses-couches. La majorité des victimes étaient ciblées parce qu’elles ou leurs conjoints appartenaient ou étaient considérées comme appartenant à l’opposition, ou parce qu’elles refusaient de rejoindre le parti pro gouvernemental, ou encore parce qu’elles souhaitaient simplement rester apolitiques.

La Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête sur des allégations de crimes contre l’humanité au Burundi. Une commission de trois juges de la CPI a estimé qu’il existait « une base raisonnable pour croire que le crime de viol, constitutif de crime contre l’humanité » avait été commis par les forces de défense burundaises « contre des femmes et des filles considérées comme étant proches ou comme étant des sympathisantes de l’opposition au parti au pouvoir. »

M. Guterres a constamment vanté l’approche « tolérance zéro » de l‘ONU vis-à-vis de la crise de l’exploitation et des atteintes sexuelles commises par le personnel de l’ONU. La présence continue de troupes burundaises au sein des forces de maintien de la paix de l’ONU met en évidence la vacuité des affirmations de M. Guterres.

L’Organisation des Nations Unies paye pour envoyer les soldats d’un régime criminel au cœur de la guerre civile en République centrafricaine. Ceci expose des femmes et des enfants vulnérables à de graves dangers. C’est un scandale et un affront. Ceci doit cesser.

LES ALLÉGATIONS CONTRE LES CASQUES BLEUS BURUNDAIS

Les affaires suivantes ont été référées au gouvernement du Burundi qui est, selon un accord international, responsable d’enquêter sur et de poursuivre ses propres soldats de maintien de la paix.

En septembre 2018, un casque bleu burundais stationné en République centrafricaine a été accusé du viol d’un enfant commis en août 2018. Le Bureau des services de contrôle interne (BSCI) de l’ONU a mené des investigations et un enquêteur national (« National Investigation Officer » ou NIO) du Burundi a été nommé. L’affaire a été transmise au gouvernement du Burundi. Selon l’ONU, des mesures de la part du Burundi sont « en attente ».

En décembre 2017, un casque bleu burundais membre d’une Unité de police constituée en République centrafricaine a été accusé du viol d’un enfant en « mai-juin » 2015. Le BSCI a investigué et un enquêteur national (NIO) du Burundi a été nommé. Selon l’ONU, l’enquête a duré 360 jours. L’allégation a été considérée comme « fondée » et l’affaire a été transmise au gouvernement du Burundi. Selon l’ONU, des mesures de la part du Burundi sont « en attente ».

L’affaire ci-après concerne trois casques bleus burundais, elle reste suspendue, car elle fait l’objet d’une « révision de la part de l’ONU ». 

En juin 2016, trois casques bleus burundais déployés en République centrafricaine ont été accusés du viol de deux adultes et de relations sexuelles avec un mineur à une date indéterminée en 2015. Le BSCI des Nations Unies a mené une enquête et un enquêteur national (NIO) du Burundi a été nommé. L’enquête a duré 51 jours. L’accusation de viol a été considérée comme « infondée » pour « insuffisance de preuves », mais l’accusation de relations sexuelles avec un mineur reste en suspens dans l’attente d’une « révision de la part de Nations Unies ».

Les affaires qui suivent ont été classées pour « insuffisance de preuves ».

En juin 2016, deux casques bleus burundais déployés en République centrafricaine ont été accusés du viol de deux enfants. Le BSCI des Nations Unies a mené une enquête et un enquêteur national (NIO) burundais a été nommé. L’enquête a duré 81 jours. L’accusation a été considérée comme « infondée » pour « insuffisance de preuves ». L’affaire a été classée.

En mars 2016, quatre casques bleus burundais déployés en République centrafricaine ont été accusés du viol d’un enfant. Le BSCI a mené une enquête et un enquêteur national (NIO) burundais a été nommé. L’enquête a duré 534 jours. L’accusation a été considérée comme « infondée » pour « insuffisance de preuves ». L’affaire a été classée.

En décembre 2015, un casque bleu burundais déployé dans le cadre de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) a été accusé d’avoir agressé sexuellement un adulte au cours du mois de décembre 2015. Le BSCI des Nations Unies a mené une enquête. Après 85 jours d’investigations, l’accusation a été considérée comme « infondée » pour « insuffisance de preuves ». L’affaire a été classée.

L’affaire ci-après reste en suspens « dans l’attente d’informations complémentaires de la part de l’état membre » et « dans l’attente de l’identification du personnel impliqué. »

En juin 2015, un casque bleu burundais déployé en République centrafricaine a été accusé d’avoir engagé des relations sexuelles avec deux enfants durant le mois de juin 2015. Le BSCI des Nations Unies a mené une enquête et un enquêteur national (NIO) burundais a été nommé. L’enquête a duré 529 jours. L’affaire est « en attente d’informations complémentaires de la part de l’état membre » et « en attente de l’identification du personnel impliqué. »

L’affaire ci-après impliquait des dizaines d’allégations de viols qui ont été déclassées en « activités de fraternisation », ce qui a débouché sur le classement de l’affaire.

En mars 2016, un groupe de 30 casques bleus burundais déployés en République centrafricaine a été accusé du viol de 22 adultes, 42 enfants et de cinq personnes d’âge inconnu, commis entre 2014 et 2015. Le BSCI des Nations Unies a mené une enquête et un enquêteur national (NIO) du Burundi a été nommé. L’enquête a duré 266 jours. L’affaire a été « classée » après que les allégations aient été considérées comme « infondées ». Il a été déterminé qu’il n’y avait eu « ni exploitation ni atteintes sexuelles, mais de la fraternisation. »

ENQUÊTES DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES ET DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE 

Dans les mois qui ont suivi l’éclatement des troubles au Burundi en 2015, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a mis en place l’Enquête indépendante des Nations Unies sur le Burundi (EINUB). L’EINUB a publié un rapport sur ses travaux en septembre 2016 dans lequel elle dénonçait l’existence, à grande échelle, de violences sexuelles et basées sur le genre commises par les forces de défense burundaises. L’EINUB annonçait avoir documenté « un certain nombre » de cas de mutilations sexuelles.

À la suite du rapport de l’EINUB, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a mis en place une Commission d’enquête sur le Burundi. Après une année d’investigations, celle-ci a livré un rapport accablant le 4 septembre 2017. La Commission a exposé dans le détail de nombreux cas de viols, de tentatives de viols et, comme dans le rapport de l’EINUB, de mutilations sexuelles.

La Commission a dit qu’elle avait « des motifs raisonnables de croire que des crimes contre l’humanité ont été commis au Burundi depuis avril 2015 » et a requis la Cour pénale internationale d’ouvrir une enquête, ce que celle-ci a fait le 25 octobre 2017. Deux jours plus tard, le Burundi se retirait du Statut de Rome, qui est le fondement légal de la CPI. Consécutivement, une commission de trois juges de la CPI a statué que la cour restait « une juridiction compétente relativement à des crimes qui auraient été commis alors que le Burundi était un état membre du Statut de Rome de la CPI ». (notre traduction) L’enquête de la CPI se poursuit.

Dans le même temps, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a une fois de plus prolongé le mandat de la Commission d’enquête. À l’issue d’une autre année d’investigations, durant laquelle plusieurs centaines de témoins supplémentaires ont été rencontrés, la Commission a publié son second rapport qui consignait de nombreux cas de violences sexuelles. 

Ce document de septembre 2018 rapporte : « Les femmes ont pour la plupart subi des viols par un ou plusieurs hommes pendant des attaques, souvent nocturnes, visant leurs foyers. Les viols ont souvent été accompagnés d’autres violences physiques à l’encontre des victimes et parfois de leur entourage. » 

En septembre 2018, le Conseil des droits de l’homme a de nouveau prolongé le mandat de la Commission d’enquête pour une année supplémentaire. Celle-ci poursuit son travail.

Les pratiques épouvantables du Burundi en matière de droits de l’homme ont fait la une de l’actualité ces dernières semaines.

Le 5 mars 2019, la Haute‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a annoncé que le gouvernement du Burundi avait forcé la fermeture du Bureau des droits de l’homme de l’ONU à Bujumbura, la capitale du Burundi. Le gouvernement burundais a affirmé que le pays avait fait de tels progrès en matière de droits de l’homme que la présence du bureau n’était plus justifiée.

Une semaine plus tard, le 12 mars 2019, la Commission d’enquête remettait une présentation orale au Conseil des droits de l’homme.

Cette déclaration inclut l’extrait suivant : « Les cas de violences sexuelles persistent, vraisemblablement favorisés par le climat général d’impunité qui règne dans le pays ainsi que la vulnérabilité socio-économique des ménages, touchant en particulier les femmes et les filles en milieu rural et celles appartenant aux familles de réfugiés rentrées volontairement. De telles violences visent également les femmes dont les membres de la famille sont considérés comme faisant partie de l’opposition politique. »